MÉMOIRE DE LA COALITION DES
FEMMES D’ACTION DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE
RÉSUMÉ
La Coalition des femmes d’action de la
Nouvelle-Écosse est une alliance indépendante non partisane composée d’organisations
et de femmes qui y participent à titre individuel. Elle prêche en faveur de la
justice sociale pour les femmes et de l’établissement de politiques publiques
garantissant l’égalité, la justice, la dignité, la paix et la sécurité de tous.
La Coalition œuvre en Nouvelle‑Écosse et collabore avec les groupes de
femmes militant pour la justice sociale partout dans le monde.
Dans ce mémoire, nous présentons
des preuves de la vulnérabilité des femmes face à la pauvreté et à la violence,
et nous exprimons notre soutien aux récentes demandes formulées dans les
rapports parlementaires et sénatoriaux en vue de l’élaboration d’une stratégie
fédérale de réduction de la pauvreté afin de renforcer l’infrastructure du
Canada, qui comporte des faiblesses sur le plan social et en matière de
sécurité du revenu. Tant que les insécurités économiques vécues par de
nombreuses Néo-Écossaises ne seront pas abordées de façon systématique, les progrès réels vers une reprise économique nationale, ainsi que
le retour à des emplois véritablement rémunérateurs et stables pour les femmes
et les hommes du pays, seront toujours compromis.
Nous recommandons au gouvernement fédéral d’agir
immédiatement et d’augmenter les fonds consacrés au logement et aux soins des enfants.
Des plans d’action et un financement accru dans ces deux domaines cruciaux pour
les femmes consisteraient non seulement le fondement d’une stratégie fédérale
de réduction de la pauvreté, en plus de contribuer au développement économique
et à l’emploi, mais aideraient les femmes vivant dans la pauvreté ou dans des
situations de violence à améliorer leur qualité de vie.
Nous nous disons également préoccupées par l’analyse
comparative entre les sexes; les répercussions économiques et sociales des
décisions budgétaires sur l’égalité des femmes et la contribution de celles‑ci
à la richesse sociale ne sont pratiquement pas abordées dans le discours
budgétaire et le processus décisionnel du gouvernement fédéral. Il est
important de corriger cette situation puisque les décisions budgétaires ont souvent
des répercussions différentes selon les sexes, lesquelles ont une incidence
négative sur les femmes et coûtent cher aux gouvernements à long terme. Inversement,
les budgets qui tiennent compte de l’égalité, des conditions sociales et du
bien‑être des femmes peuvent donner lieu à des avantages financiers. Nous
recommandons la mise en œuvre immédiate, dans le budget de 2012-2013, des
recommandations sur l’analyse comparative entre les sexes formulées dans le Rapport
de la vérificatrice générale de 2009.
VULNÉRABILITÉ DES FEMMES FACE À LA PAUVRETÉ ET À LA VIOLENCE
Le taux de pauvreté chez les femmes au Canada a
diminué depuis les années 1970[i]. Pourtant,
cette diminution masque les inégalités entre les femmes et le taux de pauvreté
élevé chez les groupes vulnérables, c’est‑à‑dire les femmes
autochtones, les femmes faisant partie de minorités visibles, les immigrantes, les
femmes handicapées, les mères seules et les aînées vivant seules (groupe de
plus en plus vulnérable). Les disparités économiques entre les femmes
augmentent également selon l’endroit où elles vivent et si elles habitent en
région urbaine ou rurale. En 2001, la pauvreté rurale était très répandue dans
la plupart des régions du Canada atlantique et en Saskatchewan, mais moins en
Ontario et en Alberta[ii].
Le taux de pauvreté chez les mères seules a
diminué au Canada depuis le milieu des années 1990, lorsqu’il a atteint un
sommet 52,9 %; il s’élevait toutefois toujours à 20,9 % en 2008, soit
le taux le plus élevé d’entre toutes les catégories de famille. Dans le même
ordre d’idées, le taux de pauvreté chez les enfants a diminué, mais en 2008, 36 %
des enfants de familles à faible revenu appartenaient à des familles dirigées
par une mère seule[iii]. Pour pouvoir respecter
son engagement qui consiste à mettre fin à la pauvreté infantile, le gouvernement
doit s’attaquer à la pauvreté des familles, notamment chez les mères seules.
Les conditions de vie des femmes qui s’appuient complètement
ou partiellement sur l’aide au revenu sont particulièrement difficiles. L’aide
sociale a toujours été un mode de soutien du revenu injuste et stigmatisant. La
situation s’est détériorée après que le gouvernement fédéral a mis fin aux
normes nationales en 1995, ouvrant ainsi la porte aux provinces qui souhaitaient
effectuer des compressions dans l’aide offerte et accroître les exigences
relatives à l’emploi. L’augmentation de la prestation pour enfants en 1998 a
amélioré les choses, mais celle‑ci est encore trop basse pour permettre
aux familles monoparentales d’échapper à la pauvreté absolue. En 2009 en
Nouvelle‑Écosse, une mère seule ayant un enfant pouvait obtenir au
maximum 14 992 $ de l’aide sociale, soit 70 % de la mesure du
panier de consommation — le montant nécessaire pour vivre, déterminé par les gouvernements
eux-mêmes. Une femme seule jugée « employable » (apte à l’emploi)
recevait à peine plus de 40 % de la mesure du panier de consommation. Une
personne handicapée recevait seulement 9 179 $ ou 60 % de la
mesure du panier de consommation[iv]. Dans
ces circonstances, les coûts plus élevés du logement (dont les coûts
énergétiques) et de la nourriture imposent un choix déchirant à savoir si on
mange ou on paie le loyer, ce qui mène à une augmentation des taux d’itinérance
et à une plus grande dépendance à l’égard des banques alimentaires. Pour les
aînés, la situation n’est guère mieux. La Sécurité de la vieillesse et le
Supplément de revenu garanti, qu’on vantait jadis comme moyen de veiller à ce
qu’aucun aîné ne vive dans la pauvreté, ne suffisent plus à protéger la dignité
des aînées vivant seules.
Davantage de mères de jeunes enfants sont
maintenant sur le marché du travail même si le travail rémunéré ne constitue
pas encore un moyen fiable de garantir leur sécurité économique et celle de
leur famille. En réalité, dans les familles où le soutien économique principal
était une femme, 16 % des personnes étaient à faible revenu en 2008. Lorsque
le soutien économique principal était un homme, ce taux ne s’élevait qu’à 6 %.
En 2008, les femmes travaillant toute l’année à temps plein gagnaient seulement
71 % de ce que les hommes gagnaient — une situation qui ne s’est pas
améliorée depuis le milieu des années 1990. De plus, les femmes représentent 60 %
des travailleurs qui touchent le salaire minimum au Canada, et on estime que 40 %
des femmes occupent des emplois précaires où elles n’ont ni avantages sociaux
ni pension.
En Nouvelle‑Écosse, les femmes se trouvent
souvent en situation économique précaire étant donné l’économie de la région et
les difficultés économiques particulières auxquelles la province est confrontée.
Ces difficultés sont d’autant plus importantes parce que les femmes ont moins
de chances de trouver un emploi, sont plus susceptibles de faire un travail
saisonnier et ont davantage de problèmes liés à la garde d’enfants que leurs
homologues qui vivent en milieu urbain. Au Canada, le revenu gagné moyen des
femmes s’élève à seulement 65 % de celui des hommes, et en Nouvelle‑Écosse,
ce taux est plus près de 60 %.
On estime que le fait de ne pas s’attaquer aux
causes fondamentales de la pauvreté en Nouvelle‑Écosse coûte au moins de 1,5 à 2,2 milliards de dollars par année[v]. Ces coûts doivent être assumés non seulement
par les personnes et les familles, mais également par les gouvernements
provincial et fédéral qui doivent assumer les coûts associés à la lutte contre
le crime, aux conséquences des problèmes de santé et du décrochage, et à la
perte de productivité.
Pourtant, les femmes ne sont pas seulement
vulnérables à la pauvreté; bon nombre d’entre elles vivent également des
situations de violence à la maison et ailleurs. Même si des indices donnent à
penser que certaines formes de violence à l’endroit des femmes diminuent, pour
de nombreux groupes de femmes la violence demeure une réalité. Au Canada, 1
femme de 16 ans ou plus sur 2 sera victime de violence au cours de sa vie[vi]. Le risque d’agression sexuelle est également élevé pour les
filles, tant à la maison qu’à l’extérieur. Selon les données fournies par les
services policiers, plus de la moitié (59 %) des victimes d’agression
sexuelle avaient moins de 18 ans, et 82 % de ces victimes étaient des
filles[vii].
En Nouvelle‑Écosse, le taux de violence conjugale s’élève à 221 sur
100 000 par année pour les femmes et à 64 sur 100 000 par année pour
les hommes[viii].
Les taux de violence sexuelle en Nouvelle‑Écosse sont astronomiques
(4 000 sur 100 000 par année), et on estime que 90 % des crimes
de nature sexuelle ne sont pas signalés à la police[ix].
La sécurité personnelle est également un
déterminant nécessaire du bien‑être et de la productivité. En fait, l’Organisation
mondiale de la santé et les organismes de santé nationaux, dont Santé Canada et
le Center for Disease Control and Prevention des États-Unis, ont démontré que
la violence conjugale a une incidence importante sur l’économie[x]. Aux États-Unis, « les coûts associés au viol de partenaire intime,
à l’agression sexuelle et au harcèlement criminel s’élèvent à plus de 5,8
milliards de dollars par année »[xi]. Le pourcentage équivalent du produit intérieur brut canadien donne
à penser que ce coût aurait atteint ici 766 749 244 $ en 2010.
LE RÔLE DE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE DANS LA VULNÉRABILITÉ DES FEMMES FACE À LA PAUVRETÉ ET À LA VIOLENCE
La pauvreté ne cause pas la violence, mais elle aggrave
la situation parce qu’il est plus difficile pour une femme pauvre de quitter
son conjoint et de se rebâtir une vie par elle‑même, particulièrement
lorsque les services et le soutien offerts sont inadéquats. Cette situation n’est
toutefois pas inévitable. Les gouvernements choisissent d’affecter ou non des
fonds publics aux programmes sociaux pouvant réduire et prévenir la pauvreté et
la violence.
Dans le cadre du mécanisme de financement global
fédéral qui est en place depuis 1995, les provinces et les territoires
reçoivent des fonds pour les services sociaux et l’aide au revenu grâce au
Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS). Cependant, même si le
budget fédéral de 2009 prévoyait une augmentation annuelle de 3 % du TCPS
jusqu’en 2011, il n’abordait pas la question de l’insuffisance des prestations
d’aide sociale versées par les provinces et les territoires[xii]. Selon le ministère des Finances, les fonds fournis grâce au TCPS
sont « théoriquement réservés » pour les études postsecondaires, les services
aux enfants et les programmes d’aide sociale. Parmi ces éléments, c’est pour l’aide
sociale que le financement a le moins augmenté de 2007 à 2010. Aucune condition
n’a été imposée afin de veiller à ce que le financement ne soit pas seulement
théorique en vertu du TCPS, ou à ce que les montants versés par les provinces
répondent adéquatement aux besoins des femmes les plus vulnérables.
La pauvreté des femmes au Canada et le programme d’aide
sociale représentent une source de préoccupations pour pratiquement tous les
organismes relevant de l’Organisation des Nations unies (ONU) qui examinent le
rendement du Canada en matière de droits de la personne, et l’ONU a demandé au gouvernement
d’établir et d’appliquer des normes minimales en ce qui a trait à l’aide
sociale, et ce, au niveau fédéral, provincial et territorial[xiii]. Le gouvernement n’a pas répondu à cette demande.
Cela explique en partie la raison pour laquelle
les femmes et autres groupes sociaux demandent aux gouvernements fédéral et
provincial d’élaborer des stratégies de réduction de la pauvreté. En théorie,
ces stratégies auraient des objectifs clairs, prévoiraient un financement
stable et suffisant pour divers programmes qui visent à aider les personnes dans
le besoin à se sortir de la pauvreté, et renfermeraient des mesures de
reddition de comptes accompagnées d’indicateurs mesurables. Même si certains
gouvernements provinciaux ont commencé à répondre à cet appel, les provinces ne
peuvent obtenir des résultats réels et durables par elles‑mêmes. Le
gouvernement fédéral doit également investir pour que les objectifs puissent
être atteints.
Nous sommes donc d’avis que le gouvernement fédéral
devrait revoir sa décision de ne pas appliquer les recommandations du Comité
permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du
développement social et de la condition des personnes handicapées, ou du Comité
permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Comme ces
deux rapports l’ont signalé, la pauvreté a des répercussions très négatives (occasions
manquées, problèmes de santé, exclusion sociale) sur les personnes concernées.
Ces répercussions touchent également la société dans son ensemble et coûtent
très cher aux gouvernements. Nous demandons avec insistance au gouvernement
fédéral de consulter les autres gouvernements, les personnes à faible revenu,
les groupes de revendication et le public dans le cadre de l’élaboration d’un
plan d’action fédéral pour la réduction de la pauvreté s’appuyant sur un cadre
des droits de la personne englobant les femmes.
Une façon de veiller à ce que la politique
publique reflète la situation des femmes consiste à tenir compte de l’analyse
comparative entre les sexes dans toutes les décisions budgétaires et
stratégiques. L’analyse comparative entre les sexes est un outil qui sert à
évaluer la façon dont les politiques et les programmes peuvent avoir une
incidence différente sur les femmes et les hommes. Elle peut également contribuer
à l’atteinte de l’objectif stratégique global que constitue l’égalité entre les
sexes. En 1995, le gouvernement canadien s’est engagé à mettre en œuvre l’analyse
comparative entre les sexes dans l’ensemble de ses ministères et organismes. Pourtant,
l’histoire récente est remplie d’exemples de décisions budgétaires et de
changements stratégiques qui ont eu des incidences négatives sur les femmes.
En 1995, soit la même année où il a adopté l’analyse
comparative entre les sexes, le gouvernement fédéral a mis fin au financement à
coût partagé et à la disposition liée aux normes nationales relatives à l’aide
sociale en vertu du Régime d’assistance publique du Canada (RAPC), et il a effectué
d’importantes compressions dans ses dépenses liées aux programmes sociaux. Les
femmes et les autres groupes vivant dans la pauvreté s’en ressentent encore. Les
changements apportés en 1996, qui consistaient à passer de l’assurance‑chômage
à l’assurance‑emploi, ont également eu des incidences négatives
disproportionnées, notamment pour les femmes qui occupaient un emploi
saisonnier au Canada atlantique[xiv]. Un autre exemple est celui des résultats inégaux des dépenses
fiscales selon le sexe[xv]. Les
récents changements à Condition féminine Canada ont non seulement eu des
répercussions négatives sur les groupes qui revendiquent l’égalité des femmes, mais
ils remettent également en question l’engagement du Canada en la matière[xvi]. Le programme d’infrastructure lancé en 2008 a également été
critiqué puisqu’il tenait peu compte de l’égalité entre les sexes.
Dans un contexte d’incertitude économique
croissante, nous sommes actuellement préoccupés par l’engagement pris par le
gouvernement dans le budget 2011‑2012 à l’égard de la réduction accélérée
du déficit au moyen de compressions dans les programmes. Ces mesures pourraient
avoir des incidences directes et indirectes sur les femmes, puisqu’elles
risquent de se traduire par la disparition d’emplois dans la fonction publique
(où de nombreuses femmes travaillent) ou de programmes principalement destinés
aux femmes. Nous demandons donc avec insistance au gouvernement de revoir ce
plan d’action.
Toutefois, les budgets qui tiennent compte de la
situation des femmes peuvent permettre de réaliser des économies et d’obtenir
des avantages financiers à long terme. En réduisant la vulnérabilité économique
des femmes et en leur fournissant un soutien social plus complet (p. ex.
études, santé et bien‑être, et soins aux enfants et à la famille), on
leur permet de continuer à contribuer de façon importante à l’économie, ce qu’elles
ne manquent pas de faire. Dans cette optique, nous recommandons la prise de
mesures dans trois domaines pour le budget de 2012‑2013 :
1. Analyse comparative entre les sexes et budgétisation
En 2009, la vérificatrice générale du Canada a publié
un rapport sur la mise en œuvre de l’analyse comparative entre les sexes dans
les ministères et organismes[xvii].
Elle a découvert que même s’il y a des champions de l’analyse comparative entre
les sexes dans les organismes centraux, des spécialistes de l’analyse
comparative entre les sexes formés au sein de certains ministères (notamment à Condition
féminine Canada) et des cadres d’analyse comparative entre les sexes dans
certains ministères, rien ne démontre encore que cette analyse est utilisée
pour concevoir la politique publique ou la politique pangouvernementale qui est
nécessaire dans les initiatives gouvernementales. Sur les 68 initiatives examinées
dans le cadre de la vérification, il y en avait seulement 4 où on pouvait
constater que l’analyse comparative entre les sexes avait été intégrée dans le
processus d’élaboration stratégique.
Sans données exactes sur les progrès réalisés en
vue de mettre fin à la pauvreté des femmes, de combler l’écart salarial et d’améliorer
le bien‑être de l’ensemble des Canadiens, nous ne pouvons mesurer l’efficacité
des dépenses. Nous sommes donc d’avis que la recommandation formulée dans le Rapport
de la vérificatrice générale de 2009 à savoir que l’analyse comparative entre
les sexes devrait être utilisée à l’échelle du gouvernement, notamment dans les
organismes centraux, devrait être mise en œuvre sans délai additionnel.
2. Un plan d’action fédéral sur le logement abordable
La vulnérabilité des femmes à la pauvreté,
combinée au manque de refuges pour sans‑abri et de logements abordables, fait
en sorte que les femmes victimes de violence conjugale ont plus de difficulté à
quitter leur conjoint et sont plus susceptibles de retourner dans une relation
de violence. Le rapport sénatorial sur la pauvreté, le logement et l’itinérance
a également établi que la pauvreté et la disponibilité de logements abordables
sont inextricablement liées; on y fait la constatation suivante : « Il
existe un problème relatif aux prix des logements, problème qui est lié à l’offre
insuffisante de logements abordables et aux revenus en déclin des Canadiens qui
se retrouvent au bas de l’échelle des revenus[xviii]. »
Les femmes sont particulièrement affectées par le
manque de logements abordables, car elles ont des revenus plus faibles, sont
plus susceptibles d’être locataires et consacrent une plus grande partie de
leur revenu au loyer que les hommes. La proportion de mères seules qui
consacrent plus de 30 % de leurs revenus au loyer s’élève à 60 %, comparativement
à 40 % chez les pères seuls et à 29 % chez les familles à deux
conjoints. La plupart des femmes seules sont également locataires et bon nombre
d’entre elles seraient admissibles à des logements subventionnés si cela leur
était offert. L’Affordable Housing Association of Nova Scotia a mené deux
études communautaires (en 2009 et 2010) qui ont démontré que la pénurie de
logements abordables est un problème grave et que cela entraîne d’importantes
difficultés tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Cela rend non seulement
la tâche plus difficile aux personnes à faible revenu qui essaient d’arriver,
mais fait augmenter le taux d’itinérance chez les groupes les plus vulnérables,
dont les femmes. De nombreuses autres études démontrent que les femmes
autochtones, les immigrantes récentes, les jeunes femmes seules et les femmes
qui quittent des relations de violence risquent de devenir itinérantes.
Le rapport sénatorial et la plupart des études
communautaires attribuent la pénurie de logements abordables au fait que le
gouvernement fédéral se préoccupe de moins en moins de la politique sur le
logement, au déclin du financement fédéral pendant les années 1980 et 1990 et,
malgré les récents investissements, à l’absence d’une stratégie cohérente pour
s’attaquer au problème. Les auteurs s’entendent pour dire que pour régler le problème
d’accès à des logements abordables, il faut accroître le financement fédéral et
établir une collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces en vue
de l’élaboration d’une stratégie coordonnée à l’échelle nationale en matière de
logement abordable.
3. Un plan d’action fédéral sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants
La participation à des programmes en matière d’apprentissage
et de garde des jeunes enfants (AGJE) est un bon moyen de réduire la pauvreté
tant chez les enfants que chez les familles à faible revenu. Dans une
perspective d’avenir, l’AGJE permet aux enfants d’améliorer leurs aptitudes
sociales et de se préparer à apprendre. L’AGJE permet aux parents, notamment
aux mères, d’étudier ou de travailler en vue de pouvoir se sortir de la
pauvreté.
Au Canada, l’accès à des services de garde d’enfants
abordables et réglementés est limité en raison des coûts, du manque de locaux
subventionnés, de l’emplacement des services de garde, des heures d’ouverture, et
des difficultés de recrutement et de maintien en poste. En région rurale, l’accès
à de tels services est également limité en raison des distances à parcourir et
de l’absence de réseaux de transport en commun. En Nouvelle‑Écosse, l’accès
à ces services est particulièrement limité, non seulement en raison du manque
de locaux, du coût et de l’emplacement, mais également parce que les gouvernements
ont fait appel à des services de garde non réglementés, ou plus récemment à de
grands exploitants commerciaux, pour combler le manque, et ce, même si les
études démontrent que les soins sans but lucratif sont non seulement moins
coûteux, mais qu’ils sont de meilleure qualité et donnent de meilleurs
résultats.
Les groupes de recherche et de revendication au
Canada se disent depuis longtemps préoccupés par ces questions. Leurs
préoccupations sont fondées, puisqu’une étude réalisée par l’Organisation de
coopération et de développement économiques en 2005 a révélé que sur 20 pays
développés, le Canada présente le plus faible taux d’AGJE. En 2008, environ 70 %
des mères de jeunes enfants étaient sur le marché du travail, mais sur 55 % des
enfants en service de garde hors du milieu familial, seulement 20,3 % bénéficiaient
de soins réglementés. En 2007‑2008, le nombre de places en service
réglementé a seulement augmenté de 3 %, soit environ un tiers de l’augmentation
connue au cours des quelques années avant l’abandon d’un nouveau régime de
services de garde national par le gouvernement actuel. Par conséquent, le
manque de services de garde abordables et de qualité représente un obstacle
important à l’emploi des femmes et au développement de nos enfants.
Pourtant, partiellement en raison du manque de
financement, de nombreuses personnes qui travaillent en service de garde sont
elles‑mêmes pauvres, ce qui reflète le peu de valeur que la société et
les gouvernements accordent aux « métiers de femme ». Même si cette situation
doit changer, l’AGJE est une importante source d’emploi pour de nombreuses
femmes. En s’attaquant à la pauvreté des familles, en appuyant le développement
de l’enfant et en créant davantage d’emplois pour les femmes, un investissement
fédéral dans l’AGJE serait très bénéfique à court et à long terme sur le plan
socioéconomique.
RECOMMANDATIONS
Nous recommandons que le processus budgétaire 2012-2013 et tous les
budgets subséquents tiennent compte de l’analyse comparative entre les sexes et
fournissent un fondement probant pour l’élaboration d’une politique fiscale,
économique et sociale plus efficace qui favorise l’égalité des femmes.
Nous recommandons au gouvernement fédéral d’élaborer
et de mettre en œuvre un plan national d’apprentissage et de garde des jeunes
enfants comptant sur un financement accru dans le budget de 2012‑2013, en
vue d’augmenter le nombre de services de garde sécuritaires, abordables et sans
but lucratif, ainsi que de mieux répondre à la demande en matière de garde d’enfants
à l’échelle du Canada.
Nous recommandons au gouvernement fédéral d’élaborer
et de mettre en œuvre un plan national de logements abordables comptant sur un
financement accru dans le budget de 2012‑2013, en vue d’augmenter le
nombre de logements abordables ou subventionnés, ainsi que de mieux répondre à
la demande en matière de logements abordables à l’échelle du Canada.
NOTES