MÉMOIRE DE LA COALITION DES
FEMMES D’ACTION DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE

RÉSUMÉ

La Coalition des femmes d’action de la Nouvelle-Écosse est une alliance indépendante non partisane composée d’organisations et de femmes qui y participent à titre individuel. Elle prêche en faveur de la justice sociale pour les femmes et de l’établissement de politiques publiques garantissant l’égalité, la justice, la dignité, la paix et la sécurité de tous. La Coalition œuvre en Nouvelle‑Écosse et collabore avec les groupes de femmes militant pour la justice sociale partout dans le monde.

Dans ce mémoire, nous présentons des preuves de la vulnérabilité des femmes face à la pauvreté et à la violence, et nous exprimons notre soutien aux récentes demandes formulées dans les rapports parlementaires et sénatoriaux en vue de l’élaboration d’une stratégie fédérale de réduction de la pauvreté afin de renforcer l’infrastructure du Canada, qui comporte des faiblesses sur le plan social et en matière de sécurité du revenu. Tant que les insécurités économiques vécues par de nombreuses Néo-Écossaises ne seront pas abordées de façon systématique, les progrès réels vers une reprise économique nationale, ainsi que le retour à des emplois véritablement rémunérateurs et stables pour les femmes et les hommes du pays, seront toujours compromis.

Nous recommandons au gouvernement fédéral d’agir immédiatement et d’augmenter les fonds consacrés au logement et aux soins des enfants. Des plans d’action et un financement accru dans ces deux domaines cruciaux pour les femmes consisteraient non seulement le fondement d’une stratégie fédérale de réduction de la pauvreté, en plus de contribuer au développement économique et à l’emploi, mais aideraient les femmes vivant dans la pauvreté ou dans des situations de violence à améliorer leur qualité de vie. 

Nous nous disons également préoccupées par l’analyse comparative entre les sexes; les répercussions économiques et sociales des décisions budgétaires sur l’égalité des femmes et la contribution de celles‑ci à la richesse sociale ne sont pratiquement pas abordées dans le discours budgétaire et le processus décisionnel du gouvernement fédéral. Il est important de corriger cette situation puisque les décisions budgétaires ont souvent des répercussions différentes selon les sexes, lesquelles ont une incidence négative sur les femmes et coûtent cher aux gouvernements à long terme. Inversement, les budgets qui tiennent compte de l’égalité, des conditions sociales et du bien‑être des femmes peuvent donner lieu à des avantages financiers.  Nous recommandons la mise en œuvre immédiate, dans le budget de 2012-2013, des recommandations sur l’analyse comparative entre les sexes formulées dans le Rapport de la vérificatrice générale de 2009.

VULNÉRABILITÉ DES FEMMES FACE À LA PAUVRETÉ ET À LA VIOLENCE

Le taux de pauvreté chez les femmes au Canada a diminué depuis les années 1970[i]. Pourtant, cette diminution masque les inégalités entre les femmes et le taux de pauvreté élevé chez les groupes vulnérables, c’est‑à‑dire les femmes autochtones, les femmes faisant partie de minorités visibles, les immigrantes, les femmes handicapées, les mères seules et les aînées vivant seules (groupe de plus en plus vulnérable). Les disparités économiques entre les femmes augmentent également selon l’endroit où elles vivent et si elles habitent en région urbaine ou rurale. En 2001, la pauvreté rurale était très répandue dans la plupart des régions du Canada atlantique et en Saskatchewan, mais moins en Ontario  et en Alberta[ii]

Le taux de pauvreté chez les mères seules a diminué au Canada depuis le milieu des années 1990, lorsqu’il a atteint un sommet 52,9 %; il s’élevait toutefois toujours à 20,9 % en 2008, soit le taux le plus élevé d’entre toutes les catégories de famille. Dans le même ordre d’idées, le taux de pauvreté chez les enfants a diminué, mais en 2008, 36 % des enfants de familles à faible revenu appartenaient à des familles dirigées par une mère seule[iii]. Pour pouvoir respecter son engagement qui consiste à mettre fin à la pauvreté infantile, le gouvernement doit s’attaquer à la pauvreté des familles, notamment chez les mères seules.

Les conditions de vie des femmes qui s’appuient complètement ou partiellement sur l’aide au revenu sont particulièrement difficiles. L’aide sociale a toujours été un mode de soutien du revenu injuste et stigmatisant. La situation s’est détériorée après que le gouvernement fédéral a mis fin aux normes nationales en 1995, ouvrant ainsi la porte aux provinces qui souhaitaient effectuer des compressions dans l’aide offerte et accroître les exigences relatives à l’emploi. L’augmentation de la prestation pour enfants en 1998 a amélioré les choses, mais celle‑ci est encore trop basse pour permettre aux familles monoparentales d’échapper à la pauvreté absolue. En 2009 en Nouvelle‑Écosse, une mère seule ayant un enfant pouvait obtenir au maximum 14 992 $ de l’aide sociale, soit 70 % de la mesure du panier de consommation — le montant nécessaire pour vivre, déterminé par les gouvernements eux-mêmes. Une femme seule jugée « employable » (apte à l’emploi) recevait à peine plus de 40 % de la mesure du panier de consommation. Une personne handicapée recevait seulement 9 179 $ ou 60 % de la mesure du panier de consommation[iv]. Dans ces circonstances, les coûts plus élevés du logement (dont les coûts énergétiques) et de la nourriture imposent un choix déchirant à savoir si on mange ou on paie le loyer, ce qui mène à une augmentation des taux d’itinérance et à une plus grande dépendance à l’égard des banques alimentaires. Pour les aînés, la situation n’est guère mieux. La Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, qu’on vantait jadis comme moyen de veiller à ce qu’aucun aîné ne vive dans la pauvreté, ne suffisent plus à protéger la dignité des aînées vivant seules.

Davantage de mères de jeunes enfants sont maintenant sur le marché du travail même si le travail rémunéré ne constitue pas encore un moyen fiable de garantir leur sécurité économique et celle de leur famille. En réalité, dans les familles où le soutien économique principal était une femme, 16 % des personnes étaient à faible revenu en 2008. Lorsque le soutien économique principal était un homme, ce taux ne s’élevait qu’à 6 %. En 2008, les femmes travaillant toute l’année à temps plein gagnaient seulement 71 % de ce que les hommes gagnaient — une situation qui ne s’est pas améliorée depuis le milieu des années 1990. De plus, les femmes représentent 60 % des travailleurs qui touchent le salaire minimum au Canada, et on estime que 40 % des femmes occupent des emplois précaires où elles n’ont ni avantages sociaux ni pension. 

En Nouvelle‑Écosse, les femmes se trouvent souvent en situation économique précaire étant donné l’économie de la région et les difficultés économiques particulières auxquelles la province est confrontée. Ces difficultés sont d’autant plus importantes parce que les femmes ont moins de chances de trouver un emploi, sont plus susceptibles de faire un travail saisonnier et ont davantage de problèmes liés à la garde d’enfants que leurs homologues qui vivent en milieu urbain. Au Canada, le revenu gagné moyen des femmes s’élève à seulement 65 % de celui des hommes, et en Nouvelle‑Écosse, ce taux est plus près de 60 %.

On estime que le fait de ne pas s’attaquer aux causes fondamentales de la pauvreté en Nouvelle‑Écosse coûte au moins de 1,5 à 2,2 milliards de dollars par année[v]. Ces coûts doivent être assumés non seulement par les personnes et les familles, mais également par les gouvernements provincial et fédéral qui doivent assumer les coûts associés à la lutte contre le crime, aux conséquences des problèmes de santé et du décrochage, et à la perte de productivité.

Pourtant, les femmes ne sont pas seulement vulnérables à la pauvreté; bon nombre d’entre elles vivent également des situations de violence à la maison et ailleurs. Même si des indices donnent à penser que certaines formes de violence à l’endroit des femmes diminuent, pour de nombreux groupes de femmes la violence demeure une réalité. Au Canada, 1 femme de 16 ans ou plus sur 2 sera victime de violence au cours de sa vie[vi]. Le risque d’agression sexuelle est également élevé pour les filles, tant à la maison qu’à l’extérieur.  Selon les données fournies par les services policiers, plus de la moitié (59 %) des victimes d’agression sexuelle avaient moins de 18 ans, et 82 % de ces victimes étaient des filles[vii]. En Nouvelle‑Écosse, le taux de violence conjugale s’élève à 221 sur 100 000 par année pour les femmes et à 64 sur 100 000 par année pour les hommes[viii]. Les taux de violence sexuelle en Nouvelle‑Écosse sont astronomiques (4 000 sur 100 000 par année), et on estime que 90 % des crimes de nature sexuelle ne sont pas signalés à la police[ix].

La sécurité personnelle est également un déterminant nécessaire du bien‑être et de la productivité. En fait, l’Organisation mondiale de la santé et les organismes de santé nationaux, dont Santé Canada et le Center for Disease Control and Prevention des États-Unis, ont démontré que la violence conjugale a une incidence importante sur l’économie[x]. Aux États-Unis, « les coûts associés au viol de partenaire intime, à l’agression sexuelle et au harcèlement criminel s’élèvent à plus de 5,8 milliards de dollars par année »[xi]. Le pourcentage équivalent du produit intérieur brut canadien donne à penser que ce coût aurait atteint ici 766 749 244 $ en 2010.

LE RÔLE DE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE DANS LA VULNÉRABILITÉ DES FEMMES FACE À LA PAUVRETÉ ET À LA VIOLENCE

La pauvreté ne cause pas la violence, mais elle aggrave la situation parce qu’il est plus difficile pour une femme pauvre de quitter son conjoint et de se rebâtir une vie par elle‑même, particulièrement lorsque les services et le soutien offerts sont inadéquats. Cette situation n’est toutefois pas inévitable. Les gouvernements choisissent d’affecter ou non des fonds publics aux programmes sociaux pouvant réduire et prévenir la pauvreté et la violence. 

Dans le cadre du mécanisme de financement global fédéral qui est en place depuis 1995, les provinces et les territoires reçoivent des fonds pour les services sociaux et l’aide au revenu grâce au Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TCPS). Cependant, même si le budget fédéral de 2009 prévoyait une augmentation annuelle de 3 % du TCPS jusqu’en 2011, il n’abordait pas la question de l’insuffisance des prestations d’aide sociale versées par les provinces et les territoires[xii]. Selon le ministère des Finances, les fonds fournis grâce au TCPS sont « théoriquement réservés » pour les études postsecondaires, les services aux enfants et les programmes d’aide sociale. Parmi ces éléments, c’est pour l’aide sociale que le financement a le moins augmenté de 2007 à 2010. Aucune condition n’a été imposée afin de veiller à ce que le financement ne soit pas seulement théorique en vertu du TCPS, ou à ce que les montants versés par les provinces répondent adéquatement aux besoins des femmes les plus vulnérables.

La pauvreté des femmes au Canada et le programme d’aide sociale représentent une source de préoccupations pour pratiquement tous les organismes relevant de l’Organisation des Nations unies (ONU) qui examinent le rendement du Canada en matière de droits de la personne, et l’ONU a demandé au gouvernement d’établir et d’appliquer des normes minimales en ce qui a trait à l’aide sociale, et ce, au niveau fédéral, provincial et territorial[xiii]. Le gouvernement n’a pas répondu à cette demande.

Cela explique en partie la raison pour laquelle les femmes et autres groupes sociaux demandent aux gouvernements fédéral et provincial d’élaborer des stratégies de réduction de la pauvreté. En théorie, ces stratégies auraient des objectifs clairs, prévoiraient un financement stable et suffisant pour divers programmes qui visent à aider les personnes dans le besoin à se sortir de la pauvreté, et renfermeraient des mesures de reddition de comptes accompagnées d’indicateurs mesurables. Même si certains gouvernements provinciaux ont commencé à répondre à cet appel, les provinces ne peuvent obtenir des résultats réels et durables par elles‑mêmes. Le gouvernement fédéral doit également investir pour que les objectifs puissent être atteints.

Nous sommes donc d’avis que le gouvernement fédéral devrait revoir sa décision de ne pas appliquer les recommandations du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, ou du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Comme ces deux rapports l’ont signalé, la pauvreté a des répercussions très négatives (occasions manquées, problèmes de santé, exclusion sociale) sur les personnes concernées. Ces répercussions touchent également la société dans son ensemble et coûtent très cher aux gouvernements. Nous demandons avec insistance au gouvernement fédéral de consulter les autres gouvernements, les personnes à faible revenu, les groupes de revendication et le public dans le cadre de l’élaboration d’un plan d’action fédéral pour la réduction de la pauvreté s’appuyant sur un cadre des droits de la personne englobant les femmes.   

Une façon de veiller à ce que la politique publique reflète la situation des femmes consiste à tenir compte de l’analyse comparative entre les sexes dans toutes les décisions budgétaires et stratégiques. L’analyse comparative entre les sexes est un outil qui sert à évaluer la façon dont les politiques et les programmes peuvent avoir une incidence différente sur les femmes et les hommes. Elle peut également contribuer à l’atteinte de l’objectif stratégique global que constitue l’égalité entre les sexes. En 1995, le gouvernement canadien s’est engagé à mettre en œuvre l’analyse comparative entre les sexes dans l’ensemble de ses ministères et organismes. Pourtant, l’histoire récente est remplie d’exemples de décisions budgétaires et de changements stratégiques qui ont eu des incidences négatives sur les femmes.

En 1995, soit la même année où il a adopté l’analyse comparative entre les sexes, le gouvernement fédéral a mis fin au financement à coût partagé et à la disposition liée aux normes nationales relatives à l’aide sociale en vertu du Régime d’assistance publique du Canada (RAPC), et il a effectué d’importantes compressions dans ses dépenses liées aux programmes sociaux. Les femmes et les autres groupes vivant dans la pauvreté s’en ressentent encore. Les changements apportés en 1996, qui consistaient à passer de l’assurance‑chômage à l’assurance‑emploi, ont également eu des incidences négatives disproportionnées, notamment pour les femmes qui occupaient un emploi saisonnier au Canada atlantique[xiv]. Un autre exemple est celui des résultats inégaux des dépenses fiscales selon le sexe[xv]. Les récents changements à Condition féminine Canada ont non seulement eu des répercussions négatives sur les groupes qui revendiquent l’égalité des femmes, mais ils remettent également en question l’engagement du Canada en la matière[xvi]. Le programme d’infrastructure lancé en 2008 a également été critiqué puisqu’il tenait peu compte de l’égalité entre les sexes.  

Dans un contexte d’incertitude économique croissante, nous sommes actuellement préoccupés par l’engagement pris par le gouvernement dans le budget 2011‑2012 à l’égard de la réduction accélérée du déficit au moyen de compressions dans les programmes. Ces mesures pourraient avoir des incidences directes et indirectes sur les femmes, puisqu’elles risquent de se traduire par la disparition d’emplois dans la fonction publique (où de nombreuses femmes travaillent) ou de programmes principalement destinés aux femmes. Nous demandons donc avec insistance au gouvernement de revoir ce plan d’action. 

Toutefois, les budgets qui tiennent compte de la situation des femmes peuvent permettre de réaliser des économies et d’obtenir des avantages financiers à long terme. En réduisant la vulnérabilité économique des femmes et en leur fournissant un soutien social plus complet (p. ex. études, santé et bien‑être, et soins aux enfants et à la famille), on leur permet de continuer à contribuer de façon importante à l’économie, ce qu’elles ne manquent pas de faire. Dans cette optique, nous recommandons la prise de mesures dans trois domaines pour le budget de 2012‑2013 :

1. Analyse comparative entre les sexes et budgétisation

En 2009, la vérificatrice générale du Canada a publié un rapport sur la mise en œuvre de l’analyse comparative entre les sexes dans les ministères et organismes[xvii]. Elle a découvert que même s’il y a des champions de l’analyse comparative entre les sexes dans les organismes centraux, des spécialistes de l’analyse comparative entre les sexes formés au sein de certains ministères (notamment à Condition féminine Canada) et des cadres d’analyse comparative entre les sexes dans certains ministères, rien ne démontre encore que cette analyse est utilisée pour concevoir la politique publique ou la politique pangouvernementale qui est nécessaire dans les initiatives gouvernementales. Sur les 68 initiatives examinées dans le cadre de la vérification, il y en avait seulement 4 où on pouvait constater que l’analyse comparative entre les sexes avait été intégrée dans le processus d’élaboration stratégique. 

Sans données exactes sur les progrès réalisés en vue de mettre fin à la pauvreté des femmes, de combler l’écart salarial et d’améliorer le bien‑être de l’ensemble des Canadiens, nous ne pouvons mesurer l’efficacité des dépenses. Nous sommes donc d’avis que la recommandation formulée dans le Rapport de la vérificatrice générale de 2009 à savoir que l’analyse comparative entre les sexes devrait être utilisée à l’échelle du gouvernement, notamment dans les organismes centraux, devrait être mise en œuvre sans délai additionnel.

2. Un plan d’action fédéral sur le logement abordable

La vulnérabilité des femmes à la pauvreté, combinée au manque de refuges pour sans‑abri et de logements abordables, fait en sorte que les femmes victimes de violence conjugale ont plus de difficulté à quitter leur conjoint et sont plus susceptibles de retourner dans une relation de violence. Le rapport sénatorial sur la pauvreté, le logement et l’itinérance a également établi que la pauvreté et la disponibilité de logements abordables sont inextricablement liées; on y fait la constatation suivante : « Il existe un problème relatif aux prix des logements, problème qui est lié à l’offre insuffisante de logements abordables et aux revenus en déclin des Canadiens qui se retrouvent au bas de l’échelle des revenus[xviii]. »

Les femmes sont particulièrement affectées par le manque de logements abordables, car elles ont des revenus plus faibles, sont plus susceptibles d’être locataires et consacrent une plus grande partie de leur revenu au loyer que les hommes. La proportion de mères seules qui consacrent plus de 30 % de leurs revenus au loyer s’élève à 60 %, comparativement à 40 % chez les pères seuls et à 29 % chez les familles à deux conjoints. La plupart des femmes seules sont également locataires et bon nombre d’entre elles seraient admissibles à des logements subventionnés si cela leur était offert. L’Affordable Housing Association of Nova Scotia a mené deux études communautaires (en 2009 et 2010) qui ont démontré que la pénurie de logements abordables est un problème grave et que cela entraîne d’importantes difficultés tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Cela rend non seulement la tâche plus difficile aux personnes à faible revenu qui essaient d’arriver, mais fait augmenter le taux d’itinérance chez les groupes les plus vulnérables, dont les femmes. De nombreuses autres études démontrent que les femmes autochtones, les immigrantes récentes, les jeunes femmes seules et les femmes qui quittent des relations de violence risquent de devenir itinérantes.

Le rapport sénatorial et la plupart des études communautaires attribuent la pénurie de logements abordables au fait que le gouvernement fédéral se préoccupe de moins en moins de la politique sur le logement, au déclin du financement fédéral pendant les années 1980 et 1990 et, malgré les récents investissements, à l’absence d’une stratégie cohérente pour s’attaquer au problème. Les auteurs s’entendent pour dire que pour régler le problème d’accès à des logements abordables, il faut accroître le financement fédéral et établir une collaboration entre le gouvernement fédéral et les provinces en vue de l’élaboration d’une stratégie coordonnée à l’échelle nationale en matière de logement abordable.

3. Un plan d’action fédéral sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants

La participation à des programmes en matière d’apprentissage et de garde des jeunes enfants (AGJE) est un bon moyen de réduire la pauvreté tant chez les enfants que chez les familles à faible revenu. Dans une perspective d’avenir, l’AGJE permet aux enfants d’améliorer leurs aptitudes sociales et de se préparer à apprendre. L’AGJE permet aux parents, notamment aux mères, d’étudier ou de travailler en vue de pouvoir se sortir de la pauvreté.

Au Canada, l’accès à des services de garde d’enfants abordables et réglementés est limité en raison des coûts, du manque de locaux subventionnés, de l’emplacement des services de garde, des heures d’ouverture, et des difficultés de recrutement et de maintien en poste. En région rurale, l’accès à de tels services est également limité en raison des distances à parcourir et de l’absence de réseaux de transport en commun. En Nouvelle‑Écosse, l’accès à ces services est particulièrement limité, non seulement en raison du manque de locaux, du coût et de l’emplacement, mais également parce que les gouvernements ont fait appel à des services de garde non réglementés, ou plus récemment à de grands exploitants commerciaux, pour combler le manque, et ce, même si les études démontrent que les soins sans but lucratif sont non seulement moins coûteux, mais qu’ils sont de meilleure qualité et donnent de meilleurs résultats.

Les groupes de recherche et de revendication au Canada se disent depuis longtemps préoccupés par ces questions. Leurs préoccupations sont fondées, puisqu’une étude réalisée par l’Organisation de coopération et de développement économiques en 2005 a révélé que sur 20 pays développés, le Canada présente le plus faible taux d’AGJE. En 2008, environ 70 % des mères de jeunes enfants étaient sur le marché du travail, mais sur 55 % des enfants en service de garde hors du milieu familial, seulement 20,3 % bénéficiaient de soins réglementés. En 2007‑2008, le nombre de places en service réglementé a seulement augmenté de 3 %, soit environ un tiers de l’augmentation connue au cours des quelques années avant l’abandon d’un nouveau régime de services de garde national par le gouvernement actuel. Par conséquent, le manque de services de garde abordables et de qualité représente un obstacle important à l’emploi des femmes et au développement de nos enfants. 

Pourtant, partiellement en raison du manque de financement, de nombreuses personnes qui travaillent en service de garde sont elles‑mêmes pauvres, ce qui reflète le peu de valeur que la société et les gouvernements accordent aux « métiers de femme ». Même si cette situation doit changer, l’AGJE est une importante source d’emploi pour de nombreuses femmes. En s’attaquant à la pauvreté des familles, en appuyant le développement de l’enfant et en créant davantage d’emplois pour les femmes, un investissement fédéral dans l’AGJE serait très bénéfique à court et à long terme sur le plan socioéconomique.

RECOMMANDATIONS

Nous recommandons que le processus budgétaire 2012-2013 et tous les budgets subséquents tiennent compte de l’analyse comparative entre les sexes et fournissent un fondement probant pour l’élaboration d’une politique fiscale, économique et sociale plus efficace qui favorise l’égalité des femmes.

Nous recommandons au gouvernement fédéral d’élaborer et de mettre en œuvre un plan national d’apprentissage et de garde des jeunes enfants comptant sur un financement accru dans le budget de 2012‑2013, en vue d’augmenter le nombre de services de garde sécuritaires, abordables et sans but lucratif, ainsi que de mieux répondre à la demande en matière de garde d’enfants à l’échelle du Canada.

Nous recommandons au gouvernement fédéral d’élaborer et de mettre en œuvre un plan national de logements abordables comptant sur un financement accru dans le budget de 2012‑2013, en vue d’augmenter le nombre de logements abordables ou subventionnés, ainsi que de mieux répondre à la demande en matière de logements abordables à l’échelle du Canada.

NOTES


[i]       Canada, Statistique Canada, Femmes au Canada, 2011.

[iii]     Canada, Statistique Canada, Femmes au Canada, 2011.

[iv]     Canada, Conseil national du bien-être social, Revenus de bien-être social 2009.

[v]      Angella Maccewen et Christine Saulnier, The Cost of Poverty in Nova Scotia, Halifax : Centre canadien de politiques alternatives (Nouvelle-Écosse), 2010. Disponible à l’adresse : //www. policyalternatives.ca/newsroom/updates/did-you-know-poverty-costs-nova-scotia-least-1-billion-year.

[vi]     Canada, Statistique Canada, « Les femmes et le système de justice pénale », Femmes au Canada : rapport statistique fondé sur le sexe. Canada. Santé Canada, « Perspectives sur la santé des femmes », La santé au Canada : un héritage à faire fructifier - Volume II - Rapports de synthèse et documents de référence, 2010 (http://www.hc-sc.gc.ca/hcs-sss/pubs/renewal-renouv/1997-nfoh-fnss-v2/legacy_heritage8-eng.php).

[vii]    Canada, Statistique Canada, Les enfants et les jeunes victimes de crimes violents déclarés par la police, 2010. Canada. Statistique Canada, Les agressions sexuelles au Canada, 2004 et 2007, 2008.

[viii]   Canada,Statistique Canada, La violence familiale au Canada : un profil statistique, 2009.

[ix]     Nouvelle-Écosse. Nova Scotia Advisory Council On The Status of Women, Sexual Assault in Nova Scotia: A Statistical Profile, 2009.

[x]      Organisation mondiale de la santé, Prévenir la violence exercée par des partenaires intimes et la violence sexuelle contre les femmes : intervenir et produire des données, Genève, 2010.

[xi]     États-Unis. Centers for disease control and prevention, Costs of Intimate Partner Violence Against Women in the United States, 2003.

[xii]    CANADA, Ministère des Finances, Plan d’action économique du Canada : Budget de 2009, le 7 novembre 2009 (http://www.budget.gc.ca/2009/pdf/budget-planbugetaire-eng.pdf).

[xiii]   Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Concluding Observations of the Committee on Economic, Social and Cultural Rights: Canada, E/C.12/CAN/CO/5 (paragraphes 15, 44, 52 et 53), le 19 mai 2006. Comité des droits de l’homme, Concluding Observations of the Human Rights Committee, CCPR/C/CAN/CO/5 (paragraphe 24), le 20 avril 2006. Conseil des droits de l’homme, Rapport du Groupe de travail sur l’Examen périodique universel du Canada, A/HRC/11/17 (paragraphe 45), le 3 mars 2009.

[xiv]   Martha Macdonald, « Women and EI in Canada: the First Decade », Women and Public Policy in Canada: Neoliberalism and After? d’Alexandra Dobrowolsky, Toronto, Oxford University Press.

[xv]    Janine Brodie et Isabella Bakker, Where are the Women? Gender Equity, Budgets and Canadian public Policy, Centre canadien de politiques alternatives, 2008. 

[xvi]   De 2004 à 2008, le terme « égalité » a été retiré du mandat ministériel, 43 % du budget a été coupé, la plupart des bureaux régionaux ont fermé leurs portes et environ 50 % des employés ont été mis à pied. Les organismes qui donnent aux femmes et aux filles l’occasion d’exprimer leurs préoccupations ont été dissous ou réduits au silence par les nouveaux critères et règlements en matière de financement, empêchant ainsi le soutien à la revendication. Par conséquent, de grandes organisations nationales de défense des droits des femmes qui se consacraient à la revendication, à la réforme du droit et aux changements systémiques, ont été forcées de cesser leurs activités. 

[xvii] Canada, Rapport de la vérificatrice générale à la Chambre des communes, printemps 2009.

[xviii]         Canada, Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, Rapport du Sous‑comité sur les villes – Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l’exclusion, 2009.